A vue d’œil
A vue d’œil ce p’tit n’avait pas fermé l’œil de la nuit !
Ça sautait aux yeux qu’il n’avait pas les yeux en face des trous !
Comme je l’avais attendu toute la soirée, je n’avais réussi à dormir que d’un œil
et au matin très fatiguée, j’étais à deux doigts de tourner de l’œil.
J’allais le prendre entre quatre yeux, désirant qu’il ait bon pied bon œil
car à ce gamin je tenais comme à la prunelle de mes yeux.
Je lui fis les gros yeux mais pour m’attendrir il me fit les yeux doux.
En général et avec moi en particulier, il n’avait vraiment pas froid aux yeux !
Ce serait se mettre le doigt dans l’œil de vouloir qu’il m’obéisse au doigt et à l’œil
mais je préférais avoir l’œil encore quelques temps.
Les yeux dans les yeux il me raconta sa soirée de la veille.
Il avait fait la connaissance d’une jeune femme, Iris, qui lui avait tapé dans l’œil. Elle était séduisante à souhait, une coquine pleine de chichis mais heureusement sans coquetterie dans l’œil !
Pour ses beaux yeux il l’avait emmené dîner dans un endroit où l’addition coûtait les yeux de la tête, tout cela, bien sûr, pour lui jeter de la poudre aux yeux.
Je l’imaginais aisément mon jeunot attablé avec ses yeux de merlan frit
louchant sur cette fille qui, en passant, a mangé à l’œil et qui n’a, je l’espère,
pas eu les yeux plus gros que le ventre !
Cette histoire, je la voyais d’un mauvais œil et lui fis comprendre qu’il devait davantage ouvrir l’œil car il ne me semblait pas qu’avec les filles, il avait le compas dans l’œil !
Mais ce que je redoutais surtout c'était qu’il ne lui reste plus que ses yeux pour pleurer !
Pour tenter de me rassurer car j’avais la larme à l’œil, il me fit un clin d’œil mais au fond de moi je savais qu’il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir !